La photographie en noir et blanc possède une puissance intemporelle, une capacité à capturer l’essence des sujets avec une simplicité qui va au-delà des distractions visuelles de la couleur. Elle est l'âme pure de la photographie, et dans ce domaine, le choix du support devient primordial. Si la photographie numérique a indéniablement transformé la manière dont nous prenons, consommons et partageons des images, ma préférence va de manière résolue à la photographie argentique pour toutes mes créations durables et personnelles, sauf pour les images à faible espérance de vie destinées aux réseaux sociaux.
Le rapport au temps : un instant figé ou une éternité suspendue ?
Lorsque l’on prend une photo, on capte un moment, un instant suspendu. Pourtant, ce moment, dans la photographie numérique, est perçu comme instantané. L’image apparaît immédiatement sur l’écran de l’appareil ou de l’ordinateur, prête à être visualisée, modifiée, partagée. Tout est rapide, immédiat, souvent jetable. Il y a une certaine légèreté dans cette approche, une approche qui peut faire perdre de vue l’importance du temps qui passe. Mais à quel prix ?
La photographie argentique, au contraire, impose un rapport au temps bien plus profond. Chaque prise de vue devient un acte réfléchi. Le temps que l'on passe à choisir son sujet, à composer l'image, à ajuster la lumière, à vérifier les paramètres d'exposition est un moment de méditation. Ensuite, il y a l'attente du développement, l'incertitude de ne pas savoir si le cliché a parfaitement réussi ou non. Cette attente n’est pas un fardeau, mais une part du plaisir de l'argentique. Un cliché en noir et blanc, pris avec soin, se développe lentement, puis prend forme dans la chambre noire. Ce temps d'attente et de travail manuel me semble plus en harmonie avec ce que la photographie devrait être : un processus, une réflexion, une construction.
En choisissant l'argentique, je choisis de ralentir le temps. Contrairement au numérique, où le flux d'images ne fait que croître, en argentique chaque image est précieuse, chaque exposition est une réflexion. Cela impose une forme de ralentissement de notre rapport à la photographie, ce qui est pour moi un élément essentiel.
La durabilité de l’argentique : Un patrimoine que l’on conserve
L’un des atouts majeurs de la photographie argentique, en noir et blanc, est la durabilité des images. Un négatif noir et blanc, s’il est bien conservé, peut durer des décennies, voire des siècles. Le tirage papier, souvent réalisé sur des papiers spéciaux (baryté, fibre), possède une résistance à l’épreuve du temps. Il n’est pas seulement un fichier électronique, il est un objet physique, souvent chargé de l’histoire du photographe lui-même.
La longévité de l’argentique me rassure dans un monde où la photographie numérique est d’une fragilité inquiétante. La possibilité de conserver un négatif, de réaliser plusieurs tirages à partir d’un même document originel, me permet d’avoir un contrôle total sur la pérennité de l’image. Si mes tirages sont bien protégés, leur qualité reste intacte, sans risque de dégradation numérique.
En revanche, les fichiers numériques, bien qu’ils offrent une souplesse indéniable, sont soumis à des risques multiples. Un fichier peut se corrompre, un disque dur peut tomber en panne, un format peut devenir obsolète. La perte de données est un danger permanent dans le monde numérique, et je trouve cela frustrant. Quand on sait qu’une photo numérique ne fait que se multiplier en copies multiples, il y a une certaine illusion de sécurité, mais en réalité, ces copies ne sont rien de plus que des lignes de code, prêtes à disparaître dans le néant technologique à la première défaillance.
La fragilité du numérique : Une illusion de permanence
La photographie numérique en noir et blanc a ses mérites, mais elle manque de la robustesse de l’argentique. Certes, le numérique permet un contrôle immédiat sur l’image, des ajustements rapides, et la possibilité d’enregistrer des milliers de photos sans contrainte matérielle, mais il existe un danger inhérent à cette facilité. Le numérique semble donner l'illusion d'une permanence, mais en réalité, il dépend entièrement de la technologie qui le soutient.
Les formats numériques, bien qu’améliorés et standardisés, peuvent évoluer très rapidement. Un fichier jpeg ou tiff pris aujourd’hui pourrait être illisible demain, simplement parce qu'un logiciel n’existe plus pour le lire, ou parce que le support de stockage utilisé ne sera plus accessible dans quelques années. La rapidité de l’obsolescence des technologies, qu'il s'agisse de disques durs, de clés USB ou même des plateformes en ligne, est une réalité qui me pousse à douter de la "pérennité" des images numériques.
Le plus frappant dans la fragilité du numérique, c'est son côté éphémère. Une photo numérique sur un réseau social peut exister aujourd’hui, mais demain, elle aura peut-être disparu, effacée ou perdue parmi des millions d’autres images. C’est pourquoi je réserve la photographie numérique à des images à faible espérance de vie. Celles que je partage sur les réseaux sociaux, ces images fugaces qui n’ont ni la vocation ni le désir de perdurer. Elles sont consumables, elles font partie de l'immédiateté de notre époque, et dans ce contexte, le numérique a sa place.
La part d’aléa de l’argentique : Un hasard créateur
L’un des aspects les plus fascinants de la photographie argentique est la part d’aléa qui accompagne chaque prise de vue. Contrairement au numérique, où l’on peut voir immédiatement le résultat et effectuer des ajustements à volonté, l’argentique conserve un mystère. Ce mystère s’étend au-delà de la prise de vue : il inclut le développement, le tirage, voire même l’archivage du film. Le grain du film, les variations d’exposition, l’imprévu de la lumière ou des produits chimiques créent un effet visuel que l’on ne peut pas parfaitement maîtriser, et c’est précisément ce qui rend l’argentique si excitant.
Le hasard fait partie intégrante de l’image en noir et blanc argentique. Il est ce facteur d’imperfection qui confère à chaque cliché un caractère unique. Une image numérique peut être parfaitement nette, parfaitement exposée, mais elle manquera souvent de cette "humanité" que le grain, les défauts et les nuances de l’argentique lui confèrent. L’argentique permet au photographe de s’abandonner à l’inattendu, d’explorer des chemins imprévus, de découvrir des images nouvelles qui surgissent du hasard. Ce phénomène d’aléa est pour moi une richesse indéniable, un facteur de création qui fait partie du processus artistique.
Conclusion : Mon choix pour l'argentique
En fin de compte, mon choix de l’argentique pour toutes mes images (à l’exception de celles destinées à la consommation rapide sur les réseaux sociaux) se justifie par mon désir de produire des images durables, réfléchies et uniques. La photographie argentique en noir et blanc, avec son rapport au temps, sa durabilité, et sa part d’aléa, m’offre une profondeur et une authenticité qui me semblent essentielles. Le numérique, bien qu’incontournable pour des images éphémères et destinées à un usage immédiat, ne peut pas remplacer la richesse et la poésie de l’argentique.
L’image argentique est un patrimoine, une histoire racontée à travers la lumière et l’ombre. Elle survit au temps, elle s’impose par sa présence physique et sa capacité à résister à l’érosion des modes. C’est pourquoi je choisis de lui accorder mon cœur et mon travail, pour des images qui, je l’espère, traverseront les années sans perdre leur force.
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